10 février 2021 : avis et propositions du CSEC sur les Orientations Stratégiques de l’ONERA

Comité Social et Economique Central de l’ONERA
Réunion extraordinaire du CSEC du 10 février 2021
Avis et propositions d’orientations alternatives du CSEC de l’ONERA
dans le cadre de l’information et la consultation
sur les orientations stratégiques 2020 de l’ONERA
adopté à l’unanimité

Avis du CSEC de l’ONERA sur les Orientations Stratégiques :

Les élus CSEC de l’ONERA réunis ce jour en séance entendent exprimer leur avis sur les orientations stratégiques 2020 de l’Office. Ils souhaitent aussi proposer des orientations alternatives en seconde partie de cet avis, afin qu’elles soient transmises au Conseil d’Administration de l’Office pour réponse.

En premier lieu, les élus estiment dommageables que la Direction de l’Office ne puisse fournir une vision stratégique au-delà de 2021 comme le préconise le code du travail, tout particulièrement en ce qui concerne les conséquences de telles orientations stratégiques sur l’emploi, la sous-traitance, l’économie et les compétences.

Certes, nous entendons le caractère particulier de l’exercice : l’année qui vient de commencer est à la fois la dernière année du contrat d’objectif et de performance 2017-2021 et la période de discussion avec notre tutelle pour le futur COP. Les élus sont à ce titre surpris de l’absence d’interlocuteur au sein de la Direction Générale de l’Armement à la date où nous écrivons cet avis. Ainsi, les élus du CSEC demandent que notre organisme de tutelle engage cette discussion au plus vite avec la Direction de l’ONERA.

Dans le cadre des discussions du futur contrat avec l’Etat, les élus du CSEC demandent à être associés le plus possible à cette discussion relative au futur COP, afin que l’ensemble des acteurs soucieux de l’intérêt de l’Office et de ses salariés soient pleinement impliqués dans les enjeux qui attendent tant l’ONERA que l’Etat français en termes de stratégies en matière aérospatiale et de défense.

Tous nos collègues sont fiers du travail réalisé précédemment, qui a permis d’irriguer la recherche et l’industrie par des travaux fondamentaux et innovants. Ils sont conscients du caractère stratégique de l’ONERA pour maintenir, dans une période de rupture technologique cruciale, le pays au premier plan de l’aéronautique et de l’aérospatiale. Cependant, ils s’interrogent aussi sur le rôle réel qui lui est attribué. Depuis de nombreuses années déjà, le modèle de financement des travaux de l’ONERA l’oriente vers un travail toujours plus applicatif au service des problèmes immédiats rencontrés par les industriels partenaires ; l’ONERA reste un expert technique de très haut niveau, mais il semble être de plus en plus éloigné de la définition des stratégies françaises dans les domaines de l’aéronautique, du spatial et de la défense. Au final, bien qu’elle se soit dotée d’un PSS, de feuilles de route, et qu’elle essaye de mettre en place une GEPP, la Direction de l’Office semble en attente des décisions des donneurs d’ordre (DGA, CORAC, industriels, etc.), faute d’une SCSP plus consistante qui lui permettrait de donner suffisamment de puissance à son travail en amont sur les enjeux futurs du secteur. Comme la fabrication additive hier, l’avion à hydrogène et l’intelligence artificielle aujourd’hui sont des exemples de thématiques que l’ONERA ne semble pas en mesure de pouvoir s’approprier pleinement, dans l’attente de décisions extérieures.

Nous estimons que le développement de notre entreprise publique ne peut se réaliser qu’avec des moyens financiers plus importants. Si nous ne sous-évaluons pas l’apport des recettes contractuelles, les élus soulignent qu’un engagement plus conséquent de l’Etat notamment au travers de la Subvention pour Charge de Service Public est absolument nécessaire. Cela implique nécessairement une croissance de l’emploi de l’Office en quantité et en qualité : le savoir et le savoir-faire. Le caractère pérenne des compétences critiques et leur développement doivent en effet passer par des emplois stables et non par la multiplication des contrats courts, ainsi que par une poursuite de la revalorisation de la politique salariale et de la qualité de vie au travail. Pour l’heure, un premier rattrapage salarial a été obtenu en échange d’un effort constant d’adaptation des salariés depuis plusieurs années : augmentation de la productivité à travers une surcharge chronique de travail des personnels de l’Office, contractualisation de toute l’activité en mode projet, réorganisation et management de type « lean », etc. Ce premier rattrapage salarial fait partie des premiers éléments indispensables pour permettre à l’ONERA de jouer son rôle et de faire face à la compétition internationale. Ce sont les conditions nécessaires pour que l’Office puisse profiter pleinement des opportunités que constituent le Plan de relance de l’aéronautique, le programme SCAF, etc. Au final, au moment de la préparation du futur COP, nous demandons à ce que le CSEC soit pleinement informé et consulté dans le cadre de la définition des prochaines orientations stratégiques.

Les élus du CSEC souhaitent revenir sur certains points qui les ont interpellés dans l’analyse de l’expert Progexa. Ils concernent à la fois le budget 2021 et des éléments de perspective.

  •  Certes, la SCSP de l’ONERA a été revalorisée dans le Budget révisé 2020 et le Budget 2021. Certes le niveau d’emploi a recommencé à croître. Cela met un terme en quelque sorte à l’austérité budgétaire et à l’attrition des effectifs qui fondaient initialement le COP 2017-2021. Cette évolution constitue le début d’un rattrapage. Cependant, le niveau de la SCSP en euros constants ne fait que retrouver son niveau de 2016 et en termes d’emploi, l’effectif sous plafond demeure encore en-deçà de son niveau de 2016. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la montée des produits contractuels et de la charge de travail qui en ressort avec une priorisation de ces derniers sur nos travaux financés par la SCSP. Dans le même temps, on peut constater que la part de financement public obtenu par le DLR, organisme allemand partenaire et concurrent de l’ONERA, est bien supérieure à celle de l’Office. Bien qu’il soit historiquement moins impliqué que l’ONERA dans le domaine de la défense, on peut noter aujourd’hui une forte augmentation de ce secteur d’activité au DLR et une forte pression allemande pour placer cet acteur au cœur des travaux du SCAF.
  • Nous considérons l’emploi et les compétences comme fondamentaux pour l’Office. Si le prochain COP doit être offensif, que cela signifie-t-il pour le niveau d’emploi : effectif sous plafond, hors plafond, doctorants, post doctorants, emploi statutaire ou non statutaire, niveau de sous-traitance, etc. ? Quid de l’utilisation de CDICO, dont la mise en œuvre concrète, surtout dans le temps, soulève encore des interrogations ? Nous serons . Nous souhaitons aussi la mise en place d’un véritable plan pluriannuel de développement des compétences. Ces outils sont d’autant plus nécessaires au maintien et à la transmission des savoirs et savoir-faire que les départs en retraite potentiels sont massifs dans les années à venir, avec un risque élevé de perte de connaissances. De la même manière, l’attractivité de l’Onera est un véritable sujet de préoccupation lorsque l’on observe le nombre de démissions. L’approche de l’attractivité à l’ONERA apparaît principalement basée sur le salaire et non sur l’appréciation globale de l’évolution de carrière ou encore de caractéristiques spécifiques très importantes des métiers liés à la recherche, telles que la formation et la qualité de vie au travail permettant la réflexion, la prise de recul, les échanges interdisciplinaires indispensables à la créativité et aux innovations de demain.
  • Nous remarquons que, malgré la crise qui frappe le pays, la situation financière de l’ONERA paraît sous contrôle. Cependant, l’ampleur des investissements à réaliser nous interroge. Ceux-ci sont nécessaires pour maintenir l’ONERA au niveau des standards internationaux les plus élevés. Mais l’effort demandé est important et le niveau d’effort interne est élevé. Qu’en est-il de sa soutenabilité ? Surtout, qu’en sera-t-il de la poursuite des investissements dans le prochain COP : quel niveau d’investissement régulier, avec quels financements et quels engagements financiers de l’Etat ? Nous serons particulièrement vigilants quant à réalisation du Plan ATP et de PRISME, tant sur leur financement que sur leur réalisation effective.
  • Nous tenons à souligner notre attachement au caractère public de l’ONERA. Nous sommes aussi attachés à la dualité civil/militaire qui fait notre force. En outre, nous tenons à alerter sur un point contradictoire qui ne nous paraît encore insuffisamment pris en compte, à savoir les potentielles contradictions entre les exigences de la science ouverte (avec l’open data, l’open source) et celles de la protection/valorisation de notre patrimoine scientifique et technique. Les salariés ne doivent pas en pâtir en risquant de perdre leur emploi pour des raisons administratives (AZR). Il s’agit sur ce sujet d’initier un travail de fond impliquant les différents acteurs (chercheurs, services, acteurs chargés du PSTN, etc.), tout en appréciant l’attitude de nos concurrents internationaux ou européens sur les secteurs stratégiques de l’aérospatial et de défense.

Compte-tenu des éléments cités ci-dessus, les élus approuvent les efforts de la Direction pour lever les contraintes actuelles du COP et donner un nouvel élan et un positionnement renforcé à l’Office en tant qu’acteur de référence de l’Etat. Toutefois, compte tenu du nombre d’interrogations et de points encore obscurs concernant la stratégie à long terme de l’Office, ils ne peuvent que s’abstenir sur les orientations stratégiques à 3 ans et au-delà de 2021. Les élus approuvent les efforts de la Direction en 2021, notamment par l’intention annoncée en CSEC ce jour par le Président de l’Office d’associer les élus et les Organisations Syndicales à la préparation du futur COP. Plus généralement, ils espèrent que la démarche proposée reposant sur une réflexion commune avec les élus du CSEC et les Organisations Syndicales pour la construction de la stratégie de l’Office soit retenue, afin d’aboutir à termes à des orientations stratégiques partagées et approuvées.

Orientations Alternatives proposées par le CSEC de l’ONERA sur les Orientations Stratégiques

Conformément à l’article L.2323-7-1 du code du travail, le Comité Social et Economique Central de l’ONERA a émis l’avis ci-dessus sur les orientations stratégiques et a souhaité proposer les orientations alternatives ci-après.

Cet avis est transmis au Conseil d’Administration de l’ONERA, duquel une réponse argumentée est attendue. Le CSEC en recevra communication et pourra y répondre.

Afin d’attirer l’attention des organismes de tutelle en complément et en soutien des efforts de la Direction, les élus du CSEC souhaitent transmettre les propositions suivantes au Conseil d’administration de l’ONERA :

  • Augmenter de façon volontariste et progressive la SCSP au niveau des autres grands EPIC (CEA, IRSN, etc.) et le CNRS. La SCSP devrait couvrir l’intégralité des rémunérations et permettre à l’ONERA d’élaborer et de financer des projets dans une perspective à plus long terme ;
  • Afficher une vision à plus de 10 ans, comme le DLR peut le faire par exemple avec une vision affichée d’ici à 2030 ;
  • Identifier sur la base du PSS, et relancer, des grands projets de recherche structurants pour l’ONERA dans l’aéronautique, le spatial et la défense (ex : Avion électrique, lanceur récupérable, SCAF, etc.) avec une simplification des circuits de financement et une vision à 5 ans de ceux-ci ;
  • Augmenter et faciliter les circuits de coopération (au lieu de la concurrence) avec les industriels français, les universités et les donneurs d’ordre : par exemple, ne serait-il pas préférable que les coûts salariaux de l’Office ne soient pas imputées aux industriels comme c’est le cas pour les et EPST ? Il serait préférable que l’Office soit le pilote de la coordination des domaines relevant de ses missions en France, afin d’éviter la création d’initiatives qui à terme ne font que réduire l’efficacité française dans la compétition européenne et internationale ;
  • Soutenir l’élaboration d’une GEPP
  • Planifier un redressement de situation des effectifs, dégradée du fait d’une baisse des effectifs entre 1992 et 1998, par un programme d’embauche sur la période du futur COP et au-delà pour maintenir l’excellence de l’Office par le maintien de ses compétences uniques sur les différents défis scientifiques et techniques ;
  • Poursuivre l’augmentation de l’attractivité à l’ONERA : qualité de vie au travail, accroissement des équipements informatiques nomades des salariés pour le télétravail, solutions structurantes et rassurantes pour AZR/PSTN , augmenter la partie recherche du travail avec une réduction des tâches administratives des chercheurs, rémunération et carrière, etc. ;
  • Encourager les propositions d’études scientifiques et techniques (demande auprès des représentants des industriels) sur des sujets de recherche plus amont (bas niveau de maturité technologique), que l’industrie ne peut se permettre. Les élus suggèrent en contrepartie la mise en place de procédures administratives allégées (demande auprès de notre ministère de tutelle). Il s’agit en définitive, dans le contexte particulier de la crise actuelle, de mettre en place un fonctionnement plus fluide entre les différents acteurs pour gagner ainsi ensemble en efficacité ;
  • Poursuivre et amplifier la remise à niveau de nos moyens d’essais, instrumentation et laboratoires via un COPIL réunissant les grands acteurs, sous présidence ONERA (Plan ATP complet à 210 M€ avec financement public pour les grandes souffleries, Plan ATP pour la propulsion et l’acoustique, Plan ’’France Relance’’ pour l’aéronautique, etc.) ;
  • Favoriser les initiatives de partenariats. Programme de développement de ;
  • Anticiper les défis engendrés par le réchauffement climatique et la transition énergétique, ainsi que la numérisation de la société à travers leur prise en compte dans la Recherche et le Développement, ainsi que l’Enseignement par et pour la Recherche à l’Office.

 

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