le 21 juillet 2021
Négociation sur la Filière Recherche à l’ONERA
L’ONERA a ouvert des négociations sur la filière Recherche le 8 juin 2021 en présentant un projet d’accord aux Organisations Syndicales. Si les objectifs de cette réforme de la filière Recherche à l’ONERA sont, à la base, louables, cette réforme ne parvient que très partiellement à y répondre, voire même pervertit certains objectifs au détriment des ingénieurs de la filière Recherche.
L’accord de 1997 qui définit la classification actuelle des Ingénieurs à l’ONERA (axe scientifique) propose deux voies de promotion : la filière Ingénieurs et la filière Recherche. En 2021, la Direction de l’ONERA propose une réforme de la filière Recherche.
Objectifs de la réforme :
1/ Améliorer la visibilité à l’extérieur
La Direction Scientifique Générale (DSG) a relevé une question bien légitime, concernant la lisibilité à l’extérieur des titres de la filière Recherche de l’ONERA. Il s’agirait d’une part de définir des titres comparables, en sémantique et en compétences exigées, aux grades existant par exemple au CNRS (« chargés » et « directeurs » de recherche). D’autre part, la Direction doit se charger de faire reconnaître la légitimité de ces titres auprès du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’objectif serait par exemple de permettre aux « Directeurs de recherche » ONERA d’être assimilés à des professeurs d’université dans les jurys de soutenance de thèse.
2/ Encourager les femmes à participer à la filière Recherche
La proportion de femmes dans la filière Recherche est bien inférieure à celle dans la filière scientifique (Ingénieurs+Recherche). Une des causes de cette sous-représentation ne pourrait-elle donc pas être le manque de temps et de disponibilité pour préparer une HDR par exemple ?
3/ Accélérer l’accès à la filière
Actuellement, l’accès à la filière Recherche n’est possible qu’à partir du niveau 4 de la classification Ingénieur. L’âge moyen à ce niveau est d’environ 50 ans.
Dans la nouvelle classification, le premier titre de la filière serait accessible dès le niveau 3, où l’âge moyen est d’environ 40 ans.
4/ Offrir des perspectives de carrière (et/ou empêcher l’augmentation rapide des salaires)
Pour le service RH, le projet est motivé par une problématique corollaire au point précédent : de plus en plus de jeunes ingénieurs progressent dans la hiérarchie plus rapidement que la moyenne, notamment par le biais de la filière recherche. Cette tendance résulte en partie du tarissement des recrutements dans les établissements de recherche publique (CNRS, INRIA, universités…) qui constituaient traditionnellement les principaux débouchés des jeunes chercheurs les plus valorisés.
Cette évolution induit nécessairement une petite augmentation des salaires moyens pour un âge donné, et un décalage vers le haut du « nuage de points », censé illustrer la cohérence des salaires en fonction des échelons et des âges. Le nombre de salariés concernés serait anecdotique (moins de 1% de l’effectif total), mais l’effet semble poser problème à la Direction : non parce que ces points pourraient inciter les autres salariés à s’interroger sur leur propre salaire, mais plutôt car les salariés qui progressent trop vite n’auraient plus de perspective de progression…
Propositions de la Direction et analyse de la CGT :
La Direction suggère de reprendre le principe actuel d’une filière Recherche parallèle à la filière Ingénieur. Notons que cette proposition est elle-même à débattre dans la mesure où la filière Recherche ne concerne qu’environ un dixième du personnel ONERA de la filière scientifique.
Les principales propositions concernent donc plutôt les dénominations des niveaux, le niveau d’accès à la filière, les critères d’accès, et les moyens alloués aux salariés pour leur permettre de progresser.
1/ Pour améliorer la lisibilité à l’extérieur, il s’agirait de copier les intitulés des grades de chercheurs du CNRS : « chargé de recherche », puis « directeur de recherche ». L’avantage de ces intitulés est qu’ils sont en effet bien connus en France, et parfois aussi à l’étranger. Cependant, cette équivalence ne sera que partielle : tant que ces titres ne seront pas reconnus par un décret relatif au Conseil National des Universités, un directeur de recherche ONERA ne pas assimilé au rang de professeur pour constituer un jury de thèse.
Par ailleurs, la dénomination « ingénieur de recherche », qui concerne la grande majorité des ingénieurs de l’ONERA (environ 90%), n’est pas abordée. Or un ingénieur de recherche ONERA n’a pas les mêmes missions qu’un ingénieur de recherche CNRS. Si un souci de lisibilité motive le changement des noms de titre dans la filière Recherche, la même préoccupation devrait s’appliquer à la filière Ingénieur. Une harmonisation avec le CEA pourrait être pertinente.
2/ Pour faciliter l’accès des femmes à la filière, un nombre d’heures plus élevé est attribué aux encadrants de doctorants et aux candidats à l’Habilitation à Diriger les Recherches (HDR). La démarche est louable, même s’il est difficile d’évaluer son effet.
3/ Pour accélérer l’accès de tous à la filière, le premier niveau (« chargé de recherche ») serait accessible à la suite du niveau 2 (« ingénieur junior 2 »), au lieu du niveau 5 actuellement. Le second niveau (« Directeur de recherche 2 ») ne serait pas accessible avant le niveau 5, avec des critères correspondant à peu près au profil d’un DR2 au CNRS, s’il n’est pas exigé de les satisfaire tous. Parmi les critères peu communs selon les disciplines, on peut citer par exemple la candidature à des prix scientifiques, la participation à des instances universitaires décisionnaires, les séjours dans des labos partenaires…
Le risque est que pour atteindre ces critères, l’ingénieur de la filière Recherche devra toujours plus se spécialiser sur le plan recherche. La conséquence ne pourrait-elle pas être une distinction encore accrue, entre les « chercheurs purs » et les « ingénieurs » ?
Quel est le nombre de docteurs qui n’ont pas passé leur HDR ? Existe-t-il une liste officielle ?
Un autre problème concerne la procédure de candidature. Si les niveaux de la filière Recherche restent corrélés à ceux de la filière Ingénieur, alors un changement de niveau peut être accompagné d’une augmentation de salaire. Comme pour la progression dans la filière Ingénieur, l’avis de la hiérarchie (responsable d’unité, Directeur de département) pourrait alors être bloquant. Or la promotion scientifique ne devrait être conditionnée qu’à l’approbation des pairs de la discipline concernée. Le risque dans le cas d’une validation par une ou deux personnes de la hiérarchie réside évidemment dans l’influence des relations personnelles avec le candidat. Sur ce point, le DSG fait preuve d’une certaine candeur, et ignore peut-être les tensions qui peuvent exister entre hiérarchie et subalternes, au point de retarder les avancements. L’absence de contre-pouvoir au niveau scientifique est un vrai problème de cette réforme.
Le point fondamental de la filière Recherche est qu’elle doit être basée uniquement sur le mérite scientifique. Cette réforme ne le permettrait pas. Si un ingénieur remplit tous les critères pour être Directeur de Recherche très jeune, il devrait pouvoir atteindre ce niveau sans frein et obtenir la reconnaissance qu’il mérite. Or, la Direction déplore que les ingénieurs entre 2016 et 2020 atteignent les niveaux de la filière Recherche plus rapidement qu’auparavant. Ne faudrait-il pas se réjouir du fait que l’ONERA attire de meilleurs talents, plutôt que regretter cette situation ?
Propositions de la CGT
- Il faut que le mérite scientifique soit l’essence même des progressions dans la filière Recherche. Il paraît donc nécessaire d’avoir une continuité dans les passages de niveau de la filière scientifique. Par rapport au projet de la Direction qui indique 3 grades dans la filière Recherche (CR au niveau 3, DR 2 au niveau 5, DR 1 au niveau 7), la CGT propose une nouvelle grille avec les 5 niveaux intermédiaires suivants pour la filière scientifique :
Positions repères Convention Collective Nationale de la Métallurgie |
Echelle des
compétences Niveaux |
Axe de promotion scientifique
Filière Ingénieur Filière Recherche |
|
3C | 7 | Ingénieur Expert | Directeur de Recherche de classe exceptionnelle |
3B | 6 | Ingénieur Spécialiste 2 | Directeur de Recherche DR 1 |
5 | Ingénieur Spécialiste 1 | Directeur de Recherche DR 2 | |
3A | 4 | Ingénieur Senior 2 | Chargé de Recherche CR1 |
3 | Ingénieur Senior 1 | Chargé de Recherche CR2 | |
2 | 2 | Ingénieur Junior 2 | |
1 | 1 | Ingénieur Junior 1 |
- Créer 2 grades de CR (CR2 puis CR1) : ces grades existaient au CNRS avant d’être supprimés à cause du vieillissement des recrutés, qui doivent accumuler de plus en plus d’années de post-doc. Or le grade de CR1 était destiné à recruter des chercheurs ayant accumulé quelques années d’expérience (typiquement des chefs de petite équipe). De fait, cette distinction devenait difficile. A l’ONERA en revanche, il arrive encore que des ingénieurs soient recrutés aussitôt après la thèse. La distinction entre CR2 et CR1 demeure donc légitime. Le grade de chargé de recherche CR devrait pouvoir être atteint sans condition d’ancienneté ou de la possession d’un diplôme de doctorat, mais avec la seule condition d’être au moins ingénieur junior 2 contrairement à ce qui est prévu dans l’article 3.1 du projet d’accord. D’ailleurs avec la transition nécessaire et à prendre en considération lors de toute évolution, certains MR1 non titulaires d’un doctorat deviendront CR.
- Dans l’article 5 du projet, les dossiers CR, DR1, DR2 doivent être envoyés par le Directeur de département. Actuellement, c’est le candidat qui envoie son dossier MR1, MR2, DR, avec l’avis du Directeur de département. Vu l’autonomie demandée aux ingénieurs de la filière Recherche, il serait préférable que seuls des pairs (internes ou externes à l’ONERA) émettent un avis sur les promotions scientifiques. Une possibilité serait de décorréler la filière Recherche de la filière Ingénieur. Celle-ci serait commune à tous les ingénieurs de l’ONERA, et la filière Recherche ne serait « qu’une étiquette » supplémentaire pour ceux qui souhaitent faire reconnaître leurs compétences à l’extérieur, notamment pour pouvoir participer à des instances universitaires.
- Priorisation des heures d’encadrement de thèse ou de préparation d’HDR : L’accord proposé contient des mesures d’accompagnement des thèses ou de HDR. Celles-ci sont importantes mais inutiles si ces heures ne sont pas prioritaires dans la définition du plan de charge des ingénieurs. Il pourrait être intéressant de définir une priorisation spécifique à ces RG si on souhaite vraiment que ces heures soient utilisées pour leur objectif initial. Sinon elles risquent de passer après les obligations contractuelles, voire même de servir de complément pour respecter les échéances.
- Les critères proposés en annexe du projet d’accord ne sont pas satisfaisants. Dans un avis transmis à la Direction, le Référent Intégrité Scientifique et Ethique de la Recherche (RISER) a notamment souligné son inquiétude sur certains critères : 15 publications de rang A sont par exemple exigées pour passer au niveau DR2, alors que la notion de « rang A » est elle-même controversée. De plus, le critère de la justification d’une contribution dans les publications n’est pas plus rassurant, de même que le fait que l’on puisse résumer par un tableau la progression et le mérite scientifique quelle que soit sa discipline à l’ONERA, ce dernier point pose question.
D’une discipline à une autre, certains critères des tableaux sont plus ou moins facilement atteignables., Plutôt que de s’appuyer sur des critères indépendants des disciplines, il serait préférable de se baser sur une évaluation par les pairs, notamment extérieurs.
On pourrait par exemple imaginer une évaluation sur la base de trois articles. Ces articles seraient postérieurs au doctorat pour les CR et postérieurs au niveau précédent pour les autres niveaux. Cela permettrait également de clarifier l’avis de positionnement défini dans l’article 5.
Concernant la reconnaissance des contributions à l’enseignement supérieur, une exigence de niveau (enseignement en M2 dans la proposition d’accord de la Direction) semble saugrenue. Les enseignants-chercheurs instruisent les étudiants dès l’entrée à l’Université (L1), et les ingénieurs de l’ONERA sont eux aussi sollicités à tous les niveaux de l’enseignement supérieur. La maîtrise des disciplines enseignées et la pédagogie scientifique sont nécessaires à tous ces niveaux. Pour finir, l’insistance de la Direction à réformer en priorité la filière recherche à l’ONERA nous étonne. D’une part, ces modifications ont des conséquences sur la filière ingénieur (dénomination des postes, corrélation entre les niveaux des filières…). D’autre part, la filière recherche, qui concerne une minorité d’ingénieurs, est relativement peu critiquée en interne contrairement à la filière ingénieur. En effet, les critères de promotion dans la filière recherche sont relativement clairs et objectifs. Ce n’est pas le cas dans la filière ingénieurs. En particulier, les motifs de refus apparaissent parfois comme relativement arbitraires et subjectifs d’un ingénieur ONERA à un autre, d’un département à un autre. Une réforme globale du processus de promotion serait donc largement préférable, d’autant plus qu’une réforme des positions repères de la convention de la métallurgie est en cours et impactera forcément l’ONERA à court terme.
La CGT revendique l’instauration d’un réel suivi au sein d’une commission paritaire afin que ceux qui le souhaitent puissent préparer leur HDR dans de bonnes conditions, avec mise en place de tutorat.
La CGT demande une reconnaissance des compétences spécifiques.
Qu’en est-il des compétences spécifiques des chefs de projet ? Cette fonction nouvelle mais bien réelle, qui n’est pas définie dans l’accord de 1997, nécessite un besoin de reconnaissance spécifique.
Réviser en profondeur l’accord de 1997 pour reconnaître les nouvelles fonctions dans l’ONERA assorti des compétences spécifiques requises et prenant en compte le niveau de qualification des ingénieurs et cadres de l’ONERA n’est-il pas devenu une nécessité ?
Une seule révision de la filière Recherche ne pourra pas répondre aux besoins de l’ONERA en la matière, la CGT revendique une approche plus globale de la révision de cet accord qui date un peu il est vrai…
Un tel accord ne peut pas se construire sans l’avis des salariés concernés, c’est-à-dire tous les ingénieurs et chercheurs de l’Office ! N’hésitez pas à solliciter directement la CGT de l’ONERA sur ce projet afin de continuer à y apporter vos revendications et contributions.
La CGT s’engage à solliciter votre avis avant la signature d’un accord qui impactera durablement les carrières des ingénieurs et chercheurs de l’ONERA. Comme en 2020, c’est l’avis des salariés qui fera apposer (ou non) la signature de la CGT en bas d’un accord, et uniquement après vous avoir consulté.
La CGT, ce sont avant tout des salariés ONERA qui s’engagent, des élus, des militants, à votre écoute pour porter des revendications dans l’intérêt de tout le personnel.
En 2021, j’adhère à la CGT et j’y apporte mes revendications, c’est maintenant ! La CGT, c’est vous, c’est nous ! |
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